Pupille
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- Mis à jour le lundi 21 janvier 2019 22:09
Nombreux sont les parents adoptifs et les personnes adoptées à avoir beaucoup aimé le film « Pupille » de la réalisatrice Jeanne HERRY dont la justesse et le réalisme méritent d'être salués.
Dans ce regard croisé, où l'on suit les histoires d'Alice, jeune femme désireuse d'adopter et de Théo, enfant né sous X en Bretagne, beaucoup de scènes rappellent en effet le parcours suivi par les parents, souvent pendant de nombreuses années. Et les quelques semaines vécues par le petit Théo, entre ruptures, inquiétudes, repli sur soi et adoption sont particulièrement émouvantes.
Le réalisme de certaines scènes du film et la précision des informations données font parfois penser à un très bon documentaire. Mais il reste toutefois une fiction avec sa part de réalité et aussi des points de vue qui s'en écartent plus ou moins. Par exemple nous savons qu'il existe une forte hétérogénéité entre les services adoption des Conseils Départementaux. Celui qui nous est montré dans le film peut faire figure d'idéal à atteindre, notamment dans la grande disponibilité des intervenants, leur humanisme, l'accompagnement des candidats à l'adoption, l'ouverture aux familles monoparentales...
De nombreux thèmes abordés par le film nous semblent particulièrement intéressants à souligner, nous proposons d'en développer brièvement cinq :
La figure du père
On pourra regretter la part faite aux pères candidats à l'adoption. L'un, le mari d'Alice, est décrit comme dans l'action et ne pensant pas aux caractéristiques particulières de la filiation adoptive. Les époux finissent par se séparer, le père potentiel disparaît donc. L'autre candidat est un homme qui s'emporte et devient violent envers l'assistante sociale dont le rapport ne lui convient pas.
Heureusement le film met en avant le personnage de Jean magnifiquement incarné par Gilles Lellouche. Il est l'assistant familial qui s'occupe de Théo jusqu'à son adoption. Il est la figure paternelle rassurante et aimante.
Le maintien des liens biologiques
La réalisatrice revient plusieurs fois, notamment dans la scène qui débute le film, sur les liens nocifs, parfois destructeurs de la famille biologique. Et d'interroger sur l'idéologie de la conservation de ce lien quoi qu'il en coûte aux enfants. Pourquoi maintenir les fratries ? Comment faire si les visites des parents à leurs enfants placés produisent de l'angoisse ou fragilisent ces derniers ?
La préparation des adoptants
La préparation des parents avant l'adoption est essentiellement montrée par les entretiens avec l'assistante sociale. Dans une scène, beaucoup de questions sont posées par Lydie (travailleuse sociale en charge des entretiens avec Alice) sans qu'Alice puisse répondre car elle est au début de son parcours d'agrément. Mais qu'en est-il ensuite, comment parvient-elle à faire son chemin et à être prête à adopter Théo ? Le film ne le dit pas vraiment. On pourra regretter que ce thème ne soit pas traité au regard de son importance dans la filiation adoptive. Et qu'à aucun moment l'existence des associations de parents ne soit mentionnée.
La recherche des origines
A plusieurs reprises, est soulignée l'existence du Cnaop (Conseil national pour l'accès aux origines personnelles) qui a pour mission de ménager, pour l'avenir, l'accès aux origines de l'adopté. Si, comme le dit le film, relativement peu d'adoptés recherchent leur famille biologique, il est en effet très important de laisser une trace pour les adoptés : une lettre, un prénom, un objet... chaque information sera « quelque chose de précieux » pour celui ou celle qui effectuera une recherche personnelle.
L'intérêt de l'enfant avant tout
Le petit Théo est au centre du film, tout finalement tourne autour de lui, depuis la maternité où des soins constants lui sont donnés à son arrivée chez sa maman Alice. Il est une personne à qui on parle beaucoup pour lui expliquer ce qui se passe, pour le rassurer. Le film souligne aussi que l'adoption c'est trouver une famille à un enfant qui n'en a pas. Un principe déjà inscrit dans la grande loi sur l'adoption de 1966, qui fait évidence pour les professionnels de l'enfance, les parents adoptifs, les associations. Mais qu'il faut toujours énoncer, faire comprendre à celles et ceux qui initient leur démarche vers l'adoption. Et parfois rappeler si d'aucuns venaient à l'oublier.
Un regard comparé avec l'adoption internationale
Certes les 700 enfants qui sont chaque année confiés à l'adoption en France sont, pour la plupart d'entre eux (environ 70%), nés sous le secret. Il en est différemment en adoption internationale. Les enfants adoptés y sont plus souvent remis en vue d'adoption spontanément ou par décision de justice.
Comme le petit Théo du film, ces enfants vivent aussi l'attente des parents choisis pour eux. Selon les pays d'origine, les institutions, leur préparation peut être différente par rapport à la France. Comme il est dit dans le film, ils auront ensuite à apprendre une langue différente de leur langue maternelle et parfois hélas à subir une forme de rejet dû à leur origine ou à la couleur de leur peau.
Quant aux parents adoptifs, leur parcours est le même jusqu'à l'agrément par le Conseil Départemental. Ensuite les chemins divergent avec l'adoption nationale. Les parents choisissent un ou plusieurs pays d'origine, adressent leur dossier à l'AFA (Agence française de l'Adoption), à des OAA (Organismes Autorisés pour l'Adoption), aux autorités des pays d'origine (démarche individuelle lorsqu'elle est encore possible). Ils s'intéressent aux particularités de ces pays, apprennent parfois leur langue, se rapprochent des associations de parents, se rendent dans le pays de leur enfant... Un parcours plus complexe qu'en adoption nationale. Et comme Alice, ils attendent souvent plusieurs années avant d'accueillir un enfant.
Un film sensible et émouvant montrant l'adoption de manière très positive
Parents et adoptés seront donc particulièrement émus et heureux de voir montrées à l'écran, bien documentées et rendues avec finesse et sensibilité, toutes les phases de l'adoption, du recueil de l'enfant par l'institution à son accueil dans sa famille adoptive, avec ses embûches, ses coups au moral, ses émotions et ses joies. Si nous ne devions retenir que deux scènes, il y aurait bien sûr le moment de la rencontre entre Alice et Théo qui fait basculer leurs deux vies. Et la très émouvante scène finale, où la mère et son enfant se retrouvent seuls, en famille. Soudain le rythme s'accélère, comme s'il y avait l'urgence à rattraper le temps perdu, à être peau contre peau, comme lors d'un accouchement. Une seconde naissance.
« Pupille » est un film lumineux qui montre l'adoption de manière très positive, ce qui change du discours que nous entendons depuis trop longtemps. S'il n'évoque certes pas les difficultés rencontrées par une partie des adoptants et des adoptés à s'ajuster les uns aux autres, il rappelle avec force que, sans ce mode de filiation, nombre d'enfants en France et dans le monde resteraient sans famille.
Le MASF tient à remercier chaleureusement Jeanne HERRY et tous ceux dont elle a su s'entourer pour son magnifique éclairage sur cette aventure humaine qu'est l'adoption, lien pour la vie.
Liens :
Il est possible d'organiser une séance de cinéma pour votre association. Pour toute information sur l'organisation de projections groupées : mlartigue@parenthesecinema.com
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