1ères observations suite à la publication du rapport interministériel sur les adoptions illicites
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- Mis à jour le lundi 17 juin 2024 22:57
Marie-Christine Le Boursicot, Conseillère honoraire à la Cour de Cassation, émet quelques remarques d’ordre général sur le rapport interministériel sur les adoptions illicites.
- Le rapport n’a pas examiné de situations concrètes de pratiques illicites (PI) Pour affirmer qu’elles ont un caractère systémique, ce qui est commode et permet de ne pas quantifier ni de donner une fourchette de pourcentages – il s’est fondé sur des rapports étrangers (Suisse, Pays Bas, Belgique flamande ) et un rapport d’historiens auquel il emprunte justement ce terme systémique : ce faisant, il crée une nébuleuse et jette un voile d’opprobre sur les 120 000 AI. Le soupçon les vise toutes, l’analyse des premiers articles de presse le démontre.
- Le rapport n’évite pas le travers – observé au démarrage du Cnaop quant à la perception, selon les générations, de ce qui était moral ou immoral avant la pilule et la loi Veil, quand « tomber enceinte » pouvait être craint et vécu comme une catastrophe – de juger les situations du passé avec notre regard d’aujourd’hui et nos règles actuelles, nécessairement différentes, avec des rapports géopolitiques qui ont évolué. Ainsi le rapport explique que des adoptions légales au moment où elles ont été accomplies seraient des pratiques illicites aujourd’hui, ce qui est incohérent. Pour un juriste, cette analyse constitue une entorse grave au principe de non rétroactivité de la loi - en particulier pénale sauf si elle est plus douce-.
- Le rapport comporte une analyse superficielle de la jurisprudence de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour européenne des droits de l’homme, ce qui conduit à commettre des erreurs d’interprétation, voire des contresens juridiques.
- Personnellement, je trouve les remarques sur le suivi des adoptés particulièrement déplacées. Constitutionnellement, il n’est pas possible de prévoir un contrôle social des familles obligatoire sans décision du juge. Il ne peut s’agir que d’un mode d’aide sociale dont l’adopté doit bénéficier, si les parents ne s’y opposent pas.
- Enfin, faute de caractériser d’éventuels manquements de l’administration française, la Mission renvoie à une vague responsabilité collective qui dédouane les décideurs - notamment politiques - en matière d’adoption internationale, pour mieux culpabiliser les familles.
Marie-Christine Le Boursicot- Conseillère honoraire à la Cour de Cassation