Médecins du Monde abandonne l’adoption
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- Mis à jour le lundi 17 juillet 2017 12:22
Au début de l’année 2017, Médecins du Monde (MdM) a annoncé le renoncement à ses missions dans le domaine de l’adoption internationale.
Au début de l’année 2017, Médecins du Monde (MdM) a annoncé le renoncement à ses missions dans le domaine de l’adoption internationale, préférant apporter, dans les différents pays où ils interviennent, un soutien direct aux familles en difficulté afin de maintenir sur place les familles. C’est un événement majeur en France, qui perd là un intermédiaire de premier plan, qui a souvent servi pour les autorités françaises de vitrine officielle de l’adoption lors de visites de délégations étrangères.
Médecins du Monde, créé à la fin des années 70, est un Organisme Autorisé pour l’Adoption (OAA) depuis 1988 qui a réalisé environ 4 000 adoptions sur plusieurs continents. On peut se rendre compte de l’importance de cet OAA sur le tableau ci-dessous qui indique sur les trois dernières années les adoptions qu’ils ont accompagnées par pays d’origine. En 2016, MdM est intervenu dans dix pays d’origine. Seuls deux, les Philippines et la Bulgarie, ont permis plus de cinq adoptions. Dans ces derniers, MdM réalisait plus de 80% des adoptions menées. Le retrait de MdM risque pour ces deux pays de signer la fin des adoptions internationales à destination de la France.
Disposant d’une couverture importante dans les différents départements MdM avait acquis un statut de quasi professionnel. Parmi les particularités de cet OAA, nous pouvons mentionner pêle-mêle : le fait que les célibataires soient acceptés ou le fait que le taux d’adoptions complexes (le terme made in MdM pour enfant à besoins spéciaux) soit devenu très important, près de 90% en 2014. Certains enfants, qui ont des pathologies médicales lourdes, nécessitent un soutien médical, social, psychologique très contraignant. Il faut peut-être voir dans ce dernier élément une des raisons du choix de MdM qui a décidé de consacrer dorénavant ses efforts sur l’environnement familial dans les pays d’origine.
MdM a également eu à cœur de prendre du recul sur le devenir des enfants qui passaient par leur intermédiaire. Ouverts sur l’extérieur, et en particulier sur le monde de la recherche, ils ont financé et réalisé des études mais aussi régulièrement publié des rapports d’activité, rendus publics. Le MASF, au cours de la dernière décennie, a régulièrement été associé aux travaux que les équipes de MdM effectuaient. C’est un bel exemple de transparence, de partage de connaissance, d’ouverture aux associations de parents adoptifs et de personnes adoptées qui devrait être une référence pour tous les acteurs de l’adoption.
Organisation Non Gouvernementale, MdM a sans doute été victime de son succès, si on en juge par le refus de son accréditation par les autorités russes, à cause du rôle joué par MdM lors de la guerre en Tchétchénie. L’imbrication du diplomatique et de l’humanitaire ne fait pas bon ménage avec l’adoption internationale. Assurément une variable de difficulté supplémentaire.
MdM quittera définitivement le monde de l’adoption à la fin 2019, une fois réalisées les adoptions consécutives aux apparentements des dernières familles qu’ils ont acceptées. La question se pose dès maintenant de savoir ce qu’il adviendra des dossiers des adoptés dont ils ont accompagné la nouvelle filiation. Le décret de 2002 concernant les OAA (repris ci-dessous), indique que les dossiers des adoptions internationales sont communiqués à la MAI, à sa demande, ce qui peut être le cas lorsque des adoptés dans un pays tiers se retournent vers elle. Ceci nécessitera que la MAI mette en place des capacités d’accompagnement des adoptés qui souhaiteront un jour accéder à leur dossier, compétence qui ne fait pour l’instant pas partie de son périmètre d’action. La question est ouverte. En tout cas, elle l’était lors de la réunion organisée à Paris en mars par MDM. L’Agence Française de l’Adoption (AFA) pourrait reprendre, archiver, et dans certaines conditions prévues par la loi, ouvrir les dossiers que les OAA qui cessent leur activité ne peuvent plus conserver. La question a le mérite d’être posée concrètement à un moment où les pouvoirs publics semblent pressés de mettre fin aux activités internationales de l’AFA, qui pourrait jouer à l’international le rôle que le CNAOP exerce pour les adoptions nationales (ils ont la compétence, le savoir-faire, les relais dans les départements et dans les pays d’origine).
Lors de la conférence de fin d’activité de MdM tenue en mars 2017, la représentante de l’autorité centrale du Québec a fait part de l’expérience du SAI (Service de l’Adoption Internationale) québécois. Les dossiers des OAA québécois sont transmis à l’autorité centrale au bout de deux ans, charge à elle de les numériser et de les conserver pendant 99 ans. L’accompagnement proposé par le SAI québecois aux adoptés qui souhaitent connaître leurs origines est structuré, par une démarche très active auprès des pays d’origine et un soutien psychologique auprès des adoptés en cas de « retrouvailles ».
Cette fermeture d’un OAA de dimension importante, dont la dynamique va rapidement manquer dans le paysage français de l’adoption internationale, est elle-un signe avant coureur d’autres cessations d’activités ? Nous le saurons sans doute rapidement.
Rappel du décret n°2002-575 du 18 avril 2002 relatif aux organismes autorisés et habilités pour l’adoption
Lorsqu’un organisme a fait l’objet d’un retrait d’autorisation ou d’une interdiction de fonctionner, ou en cas de cessation définitive de ses activités, il doit verser aux archives départementales les dossiers individuels des enfants placés ou confiés par son intermédiaire. Les archives concernant les enfants originaires de l’étranger sont communiquées au ministre des affaires étrangères à sa demande.
Tableau. Adoptions réalisées par MDM au cours des trois dernières années dans les différents pays d’origine où ils sont accrédités.
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